Production d’un ammoniac décarboné : quand le fluor s’en mêle
Production d’un ammoniac décarboné : quand le fluor s’en mêleProduction d’un ammoniac décarboné : quand le fluor s’en mêle
Magazine Science & Société | Décryptage #3 | Rupture[s]
L’électrolyse des nitrates offrirait une alternative vertueuse à la production d’ammoniac en remplacement du procède Haber-bosch traditionnel si énergivore et polluant. Au-delà, ces électrolyseurs performants et durables serviraient dans le même temps a la dépollution des eaux nitratées.
Même si l’ammoniac (NH3) dégage une odeur désagréable et est toxique même à très faible dose, il représente aujourd’hui un important potentiel en tant que ressource énergétique verte, en particulier dans le domaine du transport, et complémentaire à l’hydrogène.
C’est ce potentiel que l’Institut des Molécules et Matériaux du Mans (IMMM - UMR CNRS 6283) tente d’exploiter et d’approfondir par le biais d’une thèse débutée en octobre 2023.
« Notre domaine d’expertise réside dans la préparation de nouveaux matériaux et leur caractérisation » entame Amandine Guiet, enseignante-chercheuse en chimie inorganique à l’IMMM. « Nous travaillons sur des matériaux le plus souvent cristallisés, et plus particulièrement ceux contenant l’élément fluor. Certains de nos matériaux à base de cuivre alliant le fluor et l’oxygène, appelé oxyfluorures, se sont révélés remarquablement efficaces pour produire de l’ammoniac décarboné par électrolyse. »
L’ammoniac est considéré comme une alternative crédible à l’hydrogène, notamment dans le domaine de la mobilité : son stockage est beaucoup plus aisé, étant donné qu’il peut être liquéfié à faible pression (moins de 10 bars vs 700 bars pour l’hydrogène). Ses utilisations sont multiples allant du stockage de l’hydrogène, le chauffage de l’ammoniac libérant l’hydrogène qu’il contient, à son application en tant que carburant vert, et ce, sans émission de dioxyde de carbone (CO2).
Améliorer la sélectivité de la réaction
Encore faut-il que l’ammoniac soit produit de manière durable. A noter qu'aujourd’hui encore, l’ammoniac est largement fabriqué par le procédé industriel Haber-Bosch, qui consomme d’importantes quantités d’énergies fossiles et est grand émetteur de CO2.
En effet, la production d’une molécule de NH3 par ce procédé entraine la libération d’une molécule de dioxyde de carbone. « L’électrolyse permet de réduire les nitrates sous forme d’ammoniac. Deux paramètres clés doivent être particulièrement regardés : la quantité de courant générée suite à la réaction, ainsi que la sélectivité de la réaction. De ce fait, les nitrates peuvent se transformer en ammoniac, mais malheureusement aussi en nitrites et en azote. Nous avons d’excellentes performances avec notre matériau concernant le courant produit, mais la sélectivité reste à améliorer, c’est l’un des objectifs de la thèse de Noémie Andrieu. »
L'IMMM s’est doté d’une instrumentation capable de réaliser les mesures électrochimiques préliminaires des différents matériaux préparés dans le laboratoire.
« Nous espérons, avec nos matériaux performants, être en mesure de produire un maximum d’ammoniac en appliquant un minimum de tension électrique », résume Vincent Maisonneuve, enseignant-chercheur en chimie inorganique à l’IMMM.
Suite
Si l’hydrogène présente un potentiel à court-moyen terme dans la transition énergétique, l’ammoniac se place plutôt dans une perspective de moyen-long terme en raison des difficultés actuelles de sélectivité."
Si l’ammoniac devenait le vecteur énergétique du futur, il faudra augmenter de 30 à 100 fois sa production tout en réduisant les émissions de carbone. Actuellement, l’ammoniac est majoritairement utilisé dans la production de nitrate d’ammonium, à des fins agricoles.
Enfin, ces travaux de recherche ouvrent une autre perspective, celle de pouvoir un jour dépolluer des eaux nitratées par ce procédé d’électrolyse.
Amandine GUIET, enseignante-chercheuse en chimie inorganique
Vincent MAISONNEUVE, enseignant-chercheur en chimie inorganique
porteurs du projet MOSAR (Matériaux fluOrés pour la production d’Ammoniac décaRboné)
IMMM | Institut des Molécules et Matériaux du Mans [ UMR CNRS 6283 ]